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Cela fait tout juste dix ans que je me suis installée à Lyon…Je connaissais déjà la ville à cause de nombreux voyages de presse pour la Biennale et autres événements culturels. Je recherchais une alternative à Paris et Lyon m’a semblé toute indiquée : à seulement deux heures de Paris en TGV, il est facile de faire un aller-retour dans la journée, pour un déjeuner, un vernissage ou toute autre activité ludique qui m’attirait.
A peine étais-je installée qu’Aer Lingus a ouvert une ligne directe Dublin-Lyon – on n’échappe pas à l’Irlande aussi aisément. Je dois bien avouer que je n’ai pas regretté mon choix – malgré les embrouillaminis causés par la SNCF, ce qui rend les voyages parfois hasardeux.

ConfluenceLa ville en soi est une pure merveille : son histoire vieille de deux mille ans, reflétée dans son patrimoine architectural riche et fascinant, des amphithéâtres romains, aux palais de la Renaissance, les demeures de la haute bourgeoisie construites au cours des 17eme et 18eme siècles, rejointes par les constructions plus récentes. En ce moment la ville est en pleine rénovation, avec le quartier de Confluence en devenir qui verra surgir un musée ambitieux, dans la lignée du Guggenheim de Bilbao.
Quant aux Lyonnais eux-mêmes, ils me font penser à Dublin au début des années soixante : un noyau dur de vieilles familles, installées depuis des siècles et très attachées à leur histoire ancestrale. Les nouveaux arrivants (et en particulier les étrangers) sont accueillis avec une certaine méfiance. Les Lyonnais reçoivent très rarement chez eux, en dehors de la famille, ce qui, étant donné la pléthore de restaurants, n’est pas vraiment surprenant. La HSP (Haute Société Protestante) qui inclus la plupart des familles de banquiers et d’industriels, forme un monde à part - très secret et très discret quant aux signes extérieurs de richesse. Une famille que j’ai rencontré à mon arrivée a depuis déménagée à Nîmes, sous prétexte que « Lyon n’est plus suffisamment protestante » …
Bien sûr un des grands avantages de Lyon en tant que lieu de vie est le nombre impressionnant de restaurants et bistros en tous genres. Au moment de mon déménagement ici, j’étais toute seule, mais j’avais soigneusement étiquetées tous les cartons, par exemple : cuisine, salle de bains, chambre à coucher, etc.…Trois grands gaillards costaux ont péniblement hissés tout ce fatras à l’étage ; j’étais occupée à leur montrer les endroits où poser le lit, la table, le divan et je ne me suis pas trop préoccupée des cartons. Après leur départ, je suis allé jeter un coup d’œil et je me suis aperçue qu’ils avaient soigneusement déposée les cartons contenant mes 3000 livres sur tout le reste ! Impossible d’accéder à une brosse à dent ou à une chemise de nuit !! J’ai dormi dans mon lit sans draps et le lendemain matin j’ai essayé de parer au plus pressé – je n’avais même pas accès à la bouilloire pour faire une tasse de thé – il y avait bien un tabouret mais comme je suis particulièrement maladroite je voyais le moment où je ferai tomber tous les cartons et serai ensevelie à tout jamais sous les livres – je ne serai pas retrouver pendant des semaines car personne n’avait mon adresse à ce moment là. Donc, je suis sorti faire un tour du quartier – que je ne connaissais pas non plus car j’avais acheté l’appartement sur un coup de tête. Dans la rue voisine, j’ai remarqué un petit troquet, qui semblait sympathique. Donc je m’y suis rendue et j’ai expliqué mon problème et j’ai proposé un arrangement : je mangerai là tous les jours de cette semaine en coupant le menu en deux : à midi entrée et fromage, et le soir plat et dessert. Ils ont été adorables et ont accepté ma proposition plutôt bizarre – moi je trouvais cela tout à fait logique . A la fin de la semaine j’avais enfin réussi à m’organiser et je m’étais bien régalée.
Plus tard, quand j’ai connu des Lyonnais et que je leur ai raconté mon aventure, ils m’ont demande le nom du bistrot : « Daniel et Denise » - ils se sont exclamée « Mon Dieu, mais c’est un des plus célèbres bouchons lyonnais » ! Et donc par un pur et merveilleux hasard j’ai découvert le culture des bouchons – une spécialité lyonnaise mondialement acclamée. Ce sont d’habitude des espaces plutôt petits, dédiés à la vraie cuisine maison, spécialistes des plats traditionnels tels que les quenelles de brochet, le pot au feu et bien sur le foie gras. Dans l’ancien temps c’étaient surtout les femmes qui préparaient les plats et de nombreux restaurants sont encore dédicacés aux Mères Lyonnaise – la « Mère Brazier » par exemple. La mère de Paul Bocuse était l’une d’elles , et le restaurant à Collonges aux Monts d’Or, était son fief, qui est maintenant le chef-lieu de l’empire mondial sous l’égide de son fils. Malgré leur réputation bien méritée, les authentiques bouchons sont encore relativement accessibles et la qualité est toujours garantie.
Á cause de sa réputation et de sa tradition de bonne cuisine et de bons vins, les marchés de Lyon sont de véritables lieux de plaisir. Le plus grand est Les Halles de Lyon où chacun est en concurrence pour sa fraicheur et la qualité du service – il n’y a rien de plus agréable que de passer déguster quelques huitres au comptoir, chez Merle, ou des quenelles chez Giraudet. Il y a aussi des plats plus exotiques chez Bahadourian, un comptoir corse, du foie gras, ainsi que de nombreuses pâtisseries et chocolats…Les marchés en plein air sont innombrables, parmi les plus sympathiques se trouvent le quai St Antoine, et la Croix Rousse. Quant aux restaurants il y en a vraiment pour tous les goûts et toutes les bourses.
Á part la nourriture, Lyon est une centre énergique de modeux – de par son passé en tant que ville des soyeux, il y a un excellent Musée de la Mode, et bien sur toutes les grandes marques se retrouvent ici : Hermès, St Laurent, Vuitton, Dior etc. sont tous installées dans le triangle d’or. Des boutiques plus discrètes mais tout aussi élégantes se sont installées telles que Joe Malone, Santa Maria Novella et Dyptique…
Mais, après tout cela, comment se passe la vie quotidienne ici ? Eh bien en général elle est très agréable – moins effrénée qu’à Paris, mais pas endormie non plus. Les musées sont plutôt nombreux et très actifs, ils se font une concurrence amicale pour attirer le plus grand nombre de visiteurs. Le Musée des Beaux Arts a terminée l’année avec une magnifique exposition de Pierre Soulages – le musée vient d’acquérir trois œuvres superbes pour ses collections. Soulages se montre vraiment encore à la hauteur de sa réputation comme l’un des artistes majeurs du XXème siècle, et l’a prouvé encore une fois ici avec une sélection magnifique des œuvres des dix dernières années - il est difficile de croire qu’il a maintenant quatre vingt treize ans- il est toujours aussi énergique et inventif. Le MAC (Musée d’Art Contemporain) varie les plaisirs, passant de Keith Haring à des créations musicales telles que celles de John Cage, La Monte Young et Philip Glass récemment. Ces deux lieux sont très bien positionnés : les Beaux-Arts au cœur de la péninsule, prés de l’Hôtel de Ville et de l’Opéra, tandis que le MAC est à coté du Parc de la Tête d’Or. Ils ont chacun un restaurant et organisent des concerts, des conférences, etc.La vie intellectuelle est ici très énergique, avec un excellent Opéra, une Maison de la Danse à nulle autre pareille, de nombreux théâtres, en particulier l’étonnant Théâtre des Célestins – un bâtiment authentique de la Renaissance italienne qui a nécessité dix ans de travaux pour le mettre aux normes contemporaines. Ils ont récemment présenté « Ah les Beaux Jours « de Beckett, dans une excellente représentation. L’Auditorium propose un très grand choix de musiques, du plus classique aux nouvelles expérimentations. Il y a aussi un excellent TNP à Villeurbanne, dirigé par le charismatique Christian Schiaretti, toujours prêt à tenter des nouveautés. Une année sur deux se déroule une Biennale de la Danse avec des artistes venus du monde antiar, et l’autre année accueille une Biennale d’Art Contemporain, qui se tient dans de nombreux lieux de la ville. Une autre bonne surprise fut la découverte de la Villa Gillet – une maison de maitre léguée à la ville et qui est maintenant le haut lie de rencontres internationales de toutes les discipline littéraires. Colm Toibin a fait partie des écrivains irlandais invités. Les événements sont animés et on y évoque souvent les joies et les malheurs des traduction s littéraires.
Donc, je suis plutôt contente d’avoir choisi cette ville, malgré la méfiance des Lyonnais par rapport aux étrangers – de plus j’ai le malheur d’être perçue comme « parisienne » - ils détestent Paris passionnément, la considérant comme une ville superficielle, frivole et pire que tout, intellectuelle. Un autre de mes défauts, est le fait que je ne joue ni au bridge ni au golf – mais au moins cela m’évite de passer des journées ou des soirées fastidieuses !

 

Pour en savoir plus : Tourisme à Lyon Culture in Lyon